L’inclusion professionnelle des publics vulnérables
Avis d'experts
26 mai 2025
Le 23 avril dernier, Magellan Consulting a animé la première table ronde d’un cycle de débats consacrés à l’accès à l’emploi. Cette première séquence a réuni des intervenants engagés : Anne Rubinstein (déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté), Sylvain Reymond (DG de la communauté « Les entreprises s’engagent »), Emmanuelle Rémond (présidente de l’UNAFAM), Yazid Chir (président de NQT) et Caroline Dekerlé (France Travail).
M’ESSENTIELS
Comprendre le plein emploi et les publics vulnérables
Le plein emploi désigne une situation où chacun peut accéder à un travail, avec un taux de chômage compris entre 4 et 6 %. La loi du 18 décembre 2023 vise ce cap d’ici 2027, en s’appuyant sur 5 leviers : accompagnement renforcé, coopération des acteurs, accès facilité pour les personnes en situation de handicap, développement de l’accueil des enfants, et approche territorialisée.
Depuis janvier 2024, l’orientation vers l’emploi devient un droit universel. Pour le rendre effectif, une expérimentation O2R cible les publics les plus éloignés : jeunes NEETs, personnes en situation de handicap, femmes seules, seniors, réfugiés, personnes sans domicile ou en grande précarité.
Les chiffres sont parlants :
- 12 % de chômage chez les personnes en situation de handicap,
- 17 % chez les jeunes et les seniors,
- 18 % pour les mères isolées,
- 39 % pour les personnes sans domicile, contre 7,5 % pour la population générale.
Le défi ? Rendre l’emploi accessible à tous en s’adaptant aux réalités de chacun.
(Sources données : Données INSEE/AGEFIPH 2023-2024)
Face aux obstacles persistants rencontrés par les publics les plus éloignés de l’emploi, l’enjeu n’est plus seulement de dresser des constats, mais de construire ensemble des réponses concrètes. Il s’agit désormais de transformer les constats en leviers d’action, en mobilisant collectivement les acteurs publics, privés et associatifs autour de solutions inclusives et durables.
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Chômage, stigmatisation, réseau : des freins systémiques encore puissants
Les taux de chômage restent largement supérieurs à la moyenne nationale pour les personnes en situation de handicap, les jeunes issus des quartiers prioritaires et les publics accompagnés par les structures sociales. Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est inférieur de près de 30 points à la moyenne, une situation aggravée par la stigmatisation persistante des troubles psychiques, encore trop tabous en milieu professionnel.
Au-delà des discriminations classiques, le manque de réseau apparaît comme un frein majeur à l’accès à l’emploi, notamment pour les jeunes diplômés issus de milieux modestes ou de territoires enclavés. Le mentorat se révèle ici un levier efficace : il permet de réduire de moitié la durée moyenne de recherche d’emploi, en particulier pour ceux qui ont été orientés par défaut dans des filières saturées.
De la politique publique à l’action locale : mieux accompagner les transitions
La stratégie nationale actuelle repose sur le principe de « l’emploi d’abord », inscrit dans la récente loi pour le plein emploi. Pour être pleinement inclusive, cette approche doit intégrer la levée des freins périphériques : logement, garde d’enfants, mobilité. À cela s’ajoute un constat de long terme : il faut encore six générations pour sortir durablement de la pauvreté.
France Travail devient la porte d’entrée unique pour tous les demandeurs d’emploi, y compris les personnes en situation de handicap. Il convient de rappeler que 80 % des handicaps sont invisibles, ce qui suppose un accompagnement spécifique et une meilleure sensibilisation des employeurs. Recruter une personne en situation de handicap n’est pas une démarche complexe, à condition de lever les freins liés à la méconnaissance et de renforcer la formation des professionnels de l’emploi.
L’entreprise, acteur central de l’inclusion
L’insertion professionnelle passe d’abord par l’engagement des employeurs. Des initiatives concrètes ont émergé pour renforcer les liens entre entreprises et jeunes : immersion professionnelle, mentorat, ouverture vers les lycées professionnels ou les quartiers. Plus de 1 000 entreprises agissent déjà dans ce sens, au sein de collectifs structurés, témoignant d’un changement de culture : intégrer les talents les plus éloignés de l’emploi n’est plus perçu comme une charge, mais comme un engagement mutuellement bénéfique.
Vers une valorisation de l’engagement social : l’idée d’un crédit d’impact
Parmi les idées innovantes évoquées, figure la création d’un crédit d’impact sociétal. Ce mécanisme, inspiré du principe d’une monnaie sociale, permettrait de quantifier et valoriser l’engagement des entreprises et associations dans leurs actions en faveur de l’inclusion. L’ambition : faire de l’impact social un indicateur à part entière, intégré aux bilans financiers.
Former, simplifier, désiloter
Plusieurs dispositifs existent déjà pour favoriser l’inclusion : labellisation « handi-engagé », développement de job boards spécialisés, formation de référents, généralisation des job coachs. Toutefois, ces dispositifs restent peu connus. Une meilleure communication, alliée à une logique de simplification administrative, est indispensable. Pour progresser, il est urgent de sortir d’une approche en silos et de renforcer la coordination entre acteurs publics, privés et associatifs.
Et maintenant ?
Le Pacte des solidarités 2023–2027, à travers ses 124 pactes locaux déjà signés, propose un cadre de gouvernance partagée et de diagnostic territorial. Il incarne une dynamique nouvelle pour construire des solutions co-construites avec l’ensemble des parties prenantes. L’enjeu n’est plus de multiplier les outils, mais de garantir leur articulation concrète au service des plus vulnérables. C’est à cette condition que l’objectif de plein emploi pourra devenir une réalité inclusive.
Cette première table ronde a mis en lumière une conviction partagée : l’accès à l’emploi des publics vulnérables n’est pas qu’une affaire de dispositifs, mais bien de mobilisation collective. Sortir des silos, c’est reconnaître que les défis sont systémiques – stigmatisation, manque de réseau, complexité administrative – et que leur résolution passe par des alliances concrètes entre l’État, les collectivités, les entreprises et les associations. C’est aussi poser un regard nouveau sur la valeur sociale de l’emploi et sur ceux qui œuvrent à l’inclusion, qu’ils soient mentors, recruteurs ou acteurs de terrain.
En affirmant que « l’inclusion est un intérêt partagé », les intervenants ont dessiné les contours d’une stratégie pragmatique : aller vers, outiller, simplifier, expérimenter. Le Pacte des solidarités en fournit le cadre. Reste à transformer cette ambition en dynamique pérenne, partout sur les territoires.
Auteurs
Mounia EL HADDAD
Marie-Charlotte SIMON
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