Quelle gouvernance territoriale au service de l’objectif du plein emploi ?
Avis d'experts
16 juin 2025
Le constat : face à la très grande diversité d’acteurs intervenant dans le champ de la politique de l’emploi, une coordination à renforcer pour mieux accompagner les demandeurs d’emploi.
Le rapport de préfiguration de France Travail paru le 19 avril 2023 faisait de la « mise en place d’une gouvernance simplifiée et territorialisée de l’écosystème de l’emploi, de la formation et de l’insertion » l’une des « conditions de réussite indispensables pour que France Travail atteigne ses objectifs ».
En effet, un très grand nombre d’acteurs – l’Etat, les régions, les départements, le bloc local (communes + intercommunalités), les missions locales etc. – concourent aujourd’hui à la mise en œuvre des objectifs de la politique de l’emploi, qui comprend :
- Les actions en faveur de l’accès au marché du travail et de la sécurisation des parcours, orientées vers les demandeurs d’emploi et les actifs et
- Les actions tendant au développement de l’emploi et de l’activité, orientées vers les entreprises.
Par ailleurs, les freins rencontrés par les demandeurs d’emploi sont nombreux. Certaines personnes sont au chômage depuis souvent très longtemps parce qu’elles sont confrontées à des contraintes et à des difficultés persistantes, en matière de mobilité, d’accès au logement, de transport ou encore de garde d’enfants. Ces situations appellent un traitement global, et, par conséquent, une meilleure coordination des acteurs intervenant dans les champs précités.
C’est tout l’objet du chapitre 2 de la loi pour le plein emploi, adopté le 18 décembre 2023, qui crée le réseau pour l’emploi et le dote d’une nouvelle gouvernance, à la tête duquel on retrouve le comité national pour l’emploi où sont représentées toutes les parties prenantes des politiques en faveur de l’emploi, de la formation et de l’insertion professionnelles.
Une nouvelle gouvernance territoriale au service d’un objectif, le plein emploi
Au centre de cette nouvelle organisation, on trouve logiquement France Travail, qui remplace officiellement Pôle emploi. Derrière le changement de nom s’opère une transformation structurelle du service public de l’emploi, qui vise à créer un réseau plus intégré, et à faciliter « l’activation » de toutes les personnes éloignées de l’emploi, y compris les bénéficiaires du RSA ou les jeunes sans activité. France Travail devient le pivot opérationnel de la politique de l’emploi dans les territoires, en lien étroit avec les nouveaux comités pour l’emploi, qui en assurent la gouvernance partagée.
L’une des principales innovations de cette réforme réside en effet dans la création de ces nouvelles instances de coordination, déployées aux échelles locale, départementale, régionales et nationale. Le comité national pour l’emploi forme la tête de pont de ce nouveau réseau, et, à ce titre, contribue, par ses travaux, à structurer les orientations générales de la politique de l’emploi et à développer un patrimoine commun (référentiels, outils et méthodes) à toutes les composantes du RPE.
Les comités locaux (CLE), eux, constituent, dans une logique de subsidiarité, la cellule de base de cette nouvelle architecture institutionnelle. Début 2025, la France en comptait 221 (sur les 334 prévus par la loi). Ce sont ces comités qui doivent notamment réaliser un diagnostic précis de l’offre et de la demande de travail sur leur territoire, et construire un projet adapté pour répondre aux besoins des entreprises et des demandeurs d’emploi.
Le législateur s’est assuré de poser un cadre relativement souple, ménageant ainsi de la place aux expérimentations / initiatives locales. A cet égard, les modalités de gestion de l’objectif des 15/20 heures d’activité hebdomadaire, sont exemplaires de cette nouvelle approche : si la loi pose un certain nombre de principes et de garde-fous (ex : pas de travail gratuit), elle prend soin de ne pas définir le contenu des activités visées, laissant ainsi aux acteurs la possibilité de traduire cet objectif sous des formes diverses et variées.
L’installation et la structuration de ces comités est toujours en cours : si certains territoires ont pu s’appuyer sur des pratiques de coopération anciennes, d’autres doivent encore trouver la bonne formule pour donner sa pleine mesure à cette nouvelle organisation, et inscrire son fonctionnement dans la durée.
C’est le défi que devront relever les acteurs du réseau pour l’emploi : celui de la pérennisation de ces nouvelles manières de travailler ensemble.
Les leviers à activer pour inscrire cette nouvelle organisation dans la durée
Dans le cadre des échanges intervenus lors des rencontres de Magellan, nos invités ont identifié plusieurs leviers à activer pour faire en sorte que ces nouvelles structures jouent pleinement leur rôle.
En premier lieu, l’interopérabilité des systèmes d’information utilisés par les différentes composantes du réseau pour l’emploi, qui revêt de facto un caractère indispensable pour assurer le partage des informations et garantir une continuité dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi, quel que soit leur organisme de référence et quels que soient les changements intervenant dans leur situation et leur parcours. Des efforts considérables ont déjà été entrepris en la matière, notamment pour assurer au 1er janvier 2025 l’inscription et l’orientation dans les conditions définies par la loi de tous les demandeurs d’emploi. Ils vont se poursuivre pour doter le réseau pour l’emploi des outils dont il a besoin (à travers la mise en place du SI Plateforme), et lever les obstacles au partage et à la circulation des informations entre les différents opérateurs.
Autre condition à respecter pour réussir l’installation de ces nouvelles instances : la prise en compte et le respect du «déjà-là », des structures et des dispositifs déjà mis en place, reconnus des acteurs de terrain, et opérationnels. Les Comités locaux n’ont pas vocation à se substituer aux organismes existants, mais donnent aux différentes parties prenantes de la politique de l’emploi un nouvel instrument pour coordonner leurs actions et développer de nouvelles initiatives pour lever les « contraintes » et les « freins » à l’emploi. A Strasbourg, le comité local pour l’emploi a ainsi trouvé sa place à côté de la Maison pour l’emploi, et le premier porte une ambition et des objectifs complémentaires du rôle assumé par la deuxième, en ouvrant notamment son assemblée à des représentants du monde sanitaire et social.
Enfin, ces nouvelles structures et leurs membres ont surtout besoin de temps : pour certains territoires, où pouvaient prévaloir jusqu’à présent les logiques concurrentielles et les approches en silos, l’apprentissage de ces nouvelles manières de travailler ne pourra pas se faire en un jour, et requerra au contraire un investissement et une implication soutenus dans la durée, ainsi qu’un accompagnement ciblé pour faire de chaque comité un véritable espace de dialogue et de coordination au service d’un projet adapté aux caractéristiques de chaque territoire et aux spécificités de la main d’œuvre locale.
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Retrouvez également notre article dédié à la première table ronde des Rencontres Magellan Partners ainsi que le replay.
Auteurs
Guilhem PERTUSA
Frédéric TERRIER
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